Une belle enfance.

Je me souviens d'un jour d'été particulièrement chaud et humide. Je devais avoir cinq ou six ans. J'étais assit sur une balançoire, seul, dans le parc. Mais je ne me balançais pas. J'observais autour de moi, mes cheveux blonds contre mes épaules dorant sous le soleil de plomb. Un peu plus loin, d'autres enfants s'amusaient ensemble. Moi, je n'avais pas le droit d'avoir d'amis. Ils excerceraient sur moi une mauvaise influence, disait mon père. Alors, je me contentais de les regarder rigoler, se chamailler amicalement et se tirailler entre eux. Enfant unique, je n'avais jamais su quel plaisir cela procurait, de partager ses peines et ses joies avec quelqu'un. Trois petits garçons me regardaient tout en se murmurant des choses à l'oreille, près d'une glissoire. De mon côté, je ne bougeais pas. L'un d'eux, maigre au cheveux bruns, s'était alors approché de moi. Il m'avait tendu une main contenant une poignée de petits bonbons rouges en me montrant toute ses dents un peu croches et rosés à cause des sucreries.
-Tu veux jouer avec nous? m'avait-il demandé.
Je lui souris alors, dévoilant une dentition parfaite. J'avais l'impression qu'il était ébloui par ma beauté. Je pris un bonbon avant de le glisser dans ma bouche pour le croquer. Il était tendre et sucré. Je ne mangeais des friandises qu'une fois dans l'année et c'était à ma fête.
-Je m'appelle Michael, avait-il ajouté.
Je souris davantage en lui répondant:
-Moi, c'est Lucius.
Le petit garçon s'était alors retourné vers ses amis avant de se détourner vers moi pour me demander:
-Pourquoi n'as-tu pas de copains, Lucius?
Mon visage redevint sérieux en une fraction de secondes. Je ne voulais pas qu'il sache. Je ne voulais pas avoir honte. Je dus mentir une fois de plus, dans ma vie.
-J'ai des copains. Mais ils ne sont pas là, aujourd'hui.
Michael s'assied alors près de moi sur une balançoire en compagnie des deux autres garçons. L'un d'eux dit ensuite d'une voix très aigu:
-Je suis Justin.
-Et moi, Alan, ajouta l'autre.
Et puis, je ne sais même pas encore pourquoi, je leur posai une question idiote.
-Vos parents sont-ils des moldus?
J'étais au courant pour la ''particularité'' de ma famille et j'avais tant espérer me trouver un ami sorcier, sang-pur encore mieux, pour que mon père accepte enfin que je sois heureux, moi aussi. Que je ne sois plus seul.
-Moldus? Qu'est-ce que c'est que ça? demanda Justin à ma plus grande déception.
-Des gens qui n'ont pas de pouvoirs magiques. Moi, mes parents sont des sorciers. Et dans quelques années, j'irai à Hogwarts, tout comme ils l'ont fait. Ce sera mon école. Mon père m'en parle depuis que je suis au monde.
Les gamins me scrutèrent un moment mais semblaient me croire sur parole.
-C'est une sorte d'école de magiciens? fit Michael.
-Oui, un peu, répondis-je incertain que le mot ''magicien'' soit le plus approprié.
-Et tu vas apprendre quoi là-bas? me questionna Alan qui semblait soudainement surexcité.
Je me penchai pour ramasser quelques cailloux sur le sol. En les lançant un à un, je leur dit:
-Oh, plein de choses. La magie par exemple.
Je ne m'étais jamais sentit aussi intéréssant et j'adorais cela. Je souriais sereinement, comme si tout ce que je leur racontais était tout à fait normal, ordinaire. Mais je savais bien que c'était passionnant et intriguant et je me plaisait à voir cette expression admirative, avide d'en savoir plus dans leurs petits yeux brillants. Et puis, je l'entendis.
-Lucius!
Les trois garçons se retournèrent brusquement vers l'arrière. Moi, je serrais les yeux très très fort mais je ne bougeais pas. Je sentis un pied lourd s'abattre dans le centre de mon dos, me poussant de la balançoire sur laquelle j'étais assit. Je tombai les paumes et les genoux contre le sol caillouteux. Une main à la forte poigne m'agrippa le collet et me souleva en entier de terre. Mes jambes s'agitaient veinement dans le vide. Un homme au regard sévère, autoritaire dont la chevelure pâle descendait jusqu'à la nuque me toisa d'un air mauvais.
-Espèce de petit ingrat! me cracha-t-il au visage.
Des larmes me piquaient les yeux mais je les refoulais, sachant que ce serait encore pire. Mon père me jeta brusquement au bout de son bras. J'atteris contre mon coude gauche et la douleur me transperça en entier. Les trois garçons qui m'avaient parlés s'enfuiyèrent en courant. Je les trouvais lâches de m'avoir abandonné comme ça. Quelque chose de dur se percuta contre mon menton, puis, sur mon épaule et dans mes côtes. Je levai les yeux vers lui mais quelque chose m'aveugla. Le soleil ou la douleur?
-Tu n'es qu'un pauvre petit gamin faible et sans défenses! Lève-toi, fourbe paresseux! Debout!
Je m'exécutai mais toutes mes tentatives s'avérèrent être un échec. J'avais trop mal.
-Pauvre idiot, grogna mon père.
Et enfin, il repartit vers le manoir qui était de l'autre côté de la rue. Après m'être remit debout et avoir attendu que la douleur s'en aille, je rentrai, moi aussi, à la maison. J'entendis des voix très animées discuter dans le grand salon. C'étaient mon père et ma mère. Je m'accroupis contre le mur, dans le passage afin d'écouter ce qu'ils disaient.
-Laisse-le donc, un peu. Il a le droit de discuter avec des enfants de son âge. Il ne parle jamais à personne! répliquait-elle.
-Ces enfants sont des imbéciles de moldus. Tu veux que notre fils devienne un pauvre passionnés de moldus comme certains autres sorciers idiots traitres à leur sang? rugit-il.
-Bien sûr que non mais...
Ils furent interrompus par de longs et déchirants sanglots. C'était moi. Je pleurais. Je pleurais vraiment très fort et de grosses larmes tombaient sur mes joues. J'en avais marre d'être seul et torturé. Mon père sortit du salon et me vit, écrasé contre le mur. Il y retourna et je savais parfaitement ce qui m'attendait. Il revint avec une longue canne noire dans les mains, il la brandit et la frappa fermement contre moi qui m'étais recroquevillé sur le sol, la tête entre les mains, poussant des hurlements aigus retentissants. Ma mère arriva à son tour et le regarda faire, l'air un peu troublée.
-Maman! criai-je. Maman, s'il te plait, aide-moi!
Je la vis, entre deux coups puissants, légèrement tremblante pousser un juron et partir vers la cuisine. Elle ne m'avait pas porté secours. J'étais en colère.
-Si tu veux cesser de souffrir, tais-toi et sois un homme! Arrête de pleurer et tu n'auras plus mal! jappa mon père.
Mais j'en étais incapable. Puis, tout ce passa si vite que j'eu à peine le temps de m'en rendre compte. La canne se replia sur elle-même en plusieurs tours. Mon père fut soulevé dans les airs et projetté violemment au bout du couloir dans un grand fracas. Je croyais qu'il serait encore plus en colère, mais il se releva, l'air tout à fait calme.
-Au moins, maintenant, on sait que tu as des pouvoirs. Je commençais à penser que tu étais comme l'un de ces... gamins que tu as fréquenté aujourd'hui dans le parc, dit-il avec une expression de dégoût. Monte dans ta chambre. On verra comment tu seras punis.
Je ne me fis pas prier pour monter les escaliers quatre à quatre et m'enfermer dans ma chambre sombre, éclairée par des bougies. Ce soir-là, j'avais été privé de repas et j'étais consigné à rester dans la maison jusqu'à nouvel ordre. Le châtiment n'était pas associé au fait que mon père avait été lancé dans les airs. C'était plutôt parce que je n'avais pas obéis; j'avais parlé à quelqu'un à l'extérieur du manoir Malfoy. Finalement, je ne fus autorisé à sortir de la maison qu'au jour de mon anniversaire, huit mois plus tard.